beaux livres : photo, architecture, art

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Running away into you

Running away into you est le premier livre du jeune réalisateur portugais Mário Macedo. Sous la forme d’un témoignage intime, cet ouvrage fait le récit d’une déambulation amoureuse de près de dix ans, de rencontres enfumées et de fêtes entre Zagreb, Berlin, Copenhague ou Lisbonne, tels des instantanés d’une jeunesse européenne cherchant à ralentir le rythme de nos sociétés capitalistes.

Prospective

La prospective, considérée comme une science de « l’homme à venir » par son créateur Gaston Berger, vise, par une approche rationnelle et holistique, à préparer le futur de l’être humain. Elle ne consiste pas à prévoir l’avenir mais à élaborer des scénarios possibles et impossibles dans leurs perceptions du moment sur la base de l’analyse des données disponibles et de la compréhension et prise en compte des processus sociopsychologiques. Ainsi, les photographies de Pascal Hausherr composant ce véritable livre d’artiste paraissent rendre compte d’un moment juste avant ou juste après une certaine idée de catastrophe, que nous n’arrivons pas à nommer mais que nous ressentons. Est-ce le récit d’une intuition quant à l’avenir qui se prépare  ? On peut également voir dans cet ensemble d’images une réponse contemporaine au No Small Journeys que Robert Adams composa dans les années 1980.

En piste

Sujets transversaux et parfois à la marge, gymnases, piscines, hippodromes, stades ou terrain de tennis, entre autres, constituent une typologie architecturale à part. Ce dixième opus de la collection « Ré-inventaire » se consacre aux rapports de ces équipements exceptionnels avec le territoire et les athlètes qui les font vivre. Avec un focus élargi au-delà de Paris et de sa petite couronne, cet ouvrage se veut documentaire de la pratique sportive des franciliens depuis 1880. À l’aune des Jeux Olympiques et paralympiques de 2024, les édifices sportifs témoignent ainsi de l’engagement historique de la région Île-de-France en faveur du sport et des pratiques sportives.

Répliques. Mayotte en république

Mayotte est riche de mille spécificités : une culture métissée au croisement des héritages malgaches et shiraziens, une terre française et comorienne, un lagon exceptionnel, le plus vaste de l’océan indien…

Le photographe Franck Tomps a découvert à Mayotte un territoire magnifique et fascinant. Avec la départementalisation, la société mahoraise se restructure à grands pas dans un mouvement fragmenté. C’est précisément de cette transition historique dont il souhaite être le témoin. Sur ce territoire, tout bouillonne : la jeunesse majoritaire ; les esprits, quand on parle d’immigration et d’insécurité ; l’activité, où tous les pans de l’économie et du confort moderne se développent. Son travail photographique veut non seulement comprendre mais expliquer, non seulement témoigner mais mobiliser. Il fonctionne sur l’affirmation de notre humanité commune. En cela il est documentaire.

C’est le premier projet artistique de ce type mené sur le territoire.

To Winter There

To winter there est un récit visuel inspiré des expéditions de Louis Jolliet (1645-1700) à travers le continent nord-américain, territoire qu’il a parcouru tout au long de sa vie jusqu’à sa disparition en mer. Près de trois cents ans plus tard, en l’absence de ses journaux perdus, Charles-Frédérick Ouellet est parti sur les traces de ce personnage oublié, le long des fleuves qui s’enfoncent à l’intérieur des terres. Ses photographies dévoilent deux territoires situés aux directions opposées, l’un au sud des États-Unis, vers l’embouchure du Mississippi, l’autre au nord du Québec où s’impose la mer du Labrador.

« À l’affût, Ouellet a exploré de manière inédite ce qu’il est advenu de l’utopie d’une Amérique française. Sans donner à voir un récit linéaire, il a plutôt assemblé d’inextricables fils conducteurs, comme des témoins vivaces, dans des clairs-obscurs flous. En hiver, au sud comme au nord, partout, des signalétiques routières : des lignes et des formes, des croisées faites de poteaux, de câbles électriques, de poutres et d’édifices donnent une cohérence à la mission photographique. Vers le sud, la culture populaire rurale et urbaine conserve les vestiges d’un mode de vie hérité du Far West, des Cowboys et des Indiens. Au nord, on retrace des coureurs de bois devenus sportsmen. Une Nature trouble, tant par ses eaux que par ses arbres, sert aussi de décor. » (Extrait du texte de Guy Sioui Durand)

Psychorama

Psychorama réunit un ensemble de plus de 200 photographies que Patrick Weidmann a recueillies au cours de ces vingt dernières années. Son regard singulier s’est toujours porté sur un monde composé d’objets, d’espaces dévolus à la consommation, de lieux intermédiaires, de salles d’attentes, le tout clinquant de mille feux et de miroirs à facettes. Sans plus aucune présence humaine…
Comme si l’artiste faisait traverser son spectateur de l’autre côté d’un écran publicitaire et le projetait dans un monde où de l’humain ne resterait plus que son empreinte commerciale et ses vanités. La succesion des images et leur montage dans le livre renforcent l’effet d’être projeté dans un univers familier tout autant que dystopique. Une plongée dans un monde où la surconsommation aurait pris le dessus…

Le livre est accompagné des essais de Bruce Bégout, de Nathalie Herschdorfer, de Bertrand Tappolet ainsi que de l’auteur.

Femmes photographes. Dix ans de lutte pour sortir de l’ombre.

Ce livre est le récit d’une décennie (2013-2023) d’engagements militantspour la reconnaissance des femmes photographes dans les lieux d’expression de l’art et dans les médias. Dix années d’actions, de débats, de confrontations qui ont changé profondément le milieu de la photographie en l’ouvrant à plus de diversité.

Pour ce récit témoignage, l’autrice est allée à la rencontre de plusieurs acteur.rices de cette histoire (artistes, institutionnels…), qu’iels aient été fortement opposé.es au changement ou favorables.

Le récit s’attache particulièrement au parcours engagé de la photographe Marie Docher. Le 6 avril 2014, une lettre ouverte adressée au directeur de la Maison Européenne de la Photographie est publiée sur un blog intitulé Atlantes & Cariatides : culture, arts plastiques et fonds publics. Le rédacteur, Vincent David, écrit : « Depuis 1996, la MEP a présenté 280 expositions individuelles, et 82,5% d’entre elles présentaient des travaux réalisés par des hommes… »

Cette lettre va être suivie d’articles montrant la très faible proportion de femmes dans les secteurs de la photographie, chiffres à l’appui. Éditeurs, festivals, galeries, prix, institutions… tout le secteur est analysé, les responsables d’institutions et de festivals interpellés et les rares études sur le sujet diffusées.

Personne ne connaît Vincent David mais chaque article va faire l’objet de commentaires, de prises de conscience et d’agacements. Des chiffres, des études, un homme… Le sujet est posé. À partir de ce moment, une conjonction d’évènements institutionnels, politiques et militants vont transformer profondément les champs de la photographie en France. En octobre 2015, la MEP organise un évènement qui fera date et viendra bousculer les croyances et les impensés en questionnant des artistes, l’histoire de l’art, la sociologie, les politiques publiques… : Ni vues ni connues, comment les femmes font carrière (ou pas) en photographie. Vincent David est invité et révèlera sa véritable identité : c’est la photographe Marie Docher qui a « troublé » le genre pour être lue.

SERIOUS GAMES : « UN CARCAN LUDIQUE » ?

L’extension du jeu à des domaines qui n’en relèvent pas est une tendance caractéristique du monde contemporain, communément désignée sous le terme de gamification. Ce phénomène d’ampleur considérable privilégie le développement d’un type de jeu particulier, au nom quasi oxymorique : le serious game, qui associe des moyens ludiques à une finalité productive, formatrice ou communicationnelle. L’ouvrage aborde le sujet sous un angle original, partant des fonctions de l’activité ludique dans le monde animal pour en interroger les finalités paradoxales dans la production et l’usage des jeux vidéo. Julian Alvarez met ainsi en relation le jeu solitaire que proposent les médiations virtuelles les plus sophistiquées avec les pratiques animales les plus rudimentaires en apparence. Il ne s’arrête toutefois pas à cette comparaison mais inaugure une réflexion sur le « carcan ludique » et les contraintes opposées à la liberté de jouer. L’ouvrage dévoile ainsi les effets rétroactifs et réciproques d’une standardisation culturelle sur la pratique des jeux. L’auteur, pour qui « jouer est finalement un travail de tous les jours », fournit au lecteur (ou au joueur) les éléments qui le guideront dans un monde imprégné de la culture des jeux vidéo pour décider lui-même du degré de confusion ou de distinction qui doit s’imposer entre activité ludique et contrainte laborieuse.

Sauvage matérialité

Au début des années 2000, Jean-Christophe Béchet se lance dans l’expérimentation de la matière photographique. Née d’un intérêt pour l’accident dans l’image, celle-ci atteint son apogée dans une hybridation des techniques argentiques et numériques, dont ce livre collecte les résultats inventifs et saisissants.
Avant de concevoir des tirages hybrides, Béchet a commencé par rassembler des amorces de films contenant des photos voilées, amputées ou effacées auxquelles il trouvait une qualité inattendue. En passant également par les diapositives et polaroids de la série « Accidents » exposée aux Rencontres d’Arles en 2013, cet ouvrage revisite deux décennies d’explorations.

les cris durent

Depuis trente ans, Jacques Grison explore les effets de rémanence produits par les lieux de grandes souffrances. La rémanence s’entend ici comme cette persistance d’effets dont la cause a disparu depuis longtemps.
« La photographie, dit-il, ouvre un champ privilégié et un temps d’expériences qui permettent d’interroger l’espace entre image et mémoire. C’est dans ces espaces de perception que nous nous construisons, que nous nous affranchissons et apprenons qui nous sommes, sans faux semblants, que nous apprenons à devenir libres au milieu de la pression, souvent monstrueuse, de l’homme, de son inhumaine condition et du chaos qu’il génère en permanence ».
Au cours des quatre dernières années, en résidence dans l’enceinte de l’ancien asile de Ville-Evrard, il a poursuivi et radicalisé sa recherche. Cette nouvelle sélection de photographies synthétise ce qu’il considère comme un pan essentiel de son travail.
Maria de Freitas, psychologue clinicienne à l’hôpital de Maison-Blanche et de Ville-Evrard croise un matin un patient en grande souffrance, il énumère à l’infini et en criant le nom de ses organes douloureux. Devant cette détresse, elle lui propose de déposer par écrit tous ses mots (maux) sur une feuille de papier, ce qui l’apaise. (…) Trois ans plus tard, le même patient croise la psychologue et l’interpelle ; « Eh, m’dame, l’écrit dur ! » ou « L’écrit dure » ou peut-être « Les cris durent »!?… C’est cette dernière acception que Jacques Grison entend lorsqu’il écoute, dans les mêmes lieux devenus vides, et aussi en d’autres endroits, le silence des souffrances qui se sont tues.